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Le pouvoir des mots : Outils précieux ou armes de destruction ?



Les mots ont le pouvoir de construire et de détruire.

Loin d'être un scoop, cette phrase me percute et me travaille, comme si je l'entendais la première fois, à chaque fois que je la lis ou que je la dis.

Dans un des plus vieux livres du monde, on peut lire :

« La mort et la vie sont au pouvoir de la langue » Proverbe 18 : 21 - La Bible Que la référence et l'auteur nous emballent ou pas, on ne peut nier la réalité de cette citation.

Les mots construisent, ancrent, élèvent et façonnent autant qu'ils détruisent, courbent, rabaissent, blessent et tuent... notre estime de soi, notre confiance, nos croyances, nos projets, nos buts et nos cœurs.

Depuis 10 ans, je travaille avec les humains et avec les mots.

Depuis 10 ans, je réalise, chaque jour un peu plus, à quel point je les aime et à quel point je les déteste (les mots, pas les humains ^^).

Je réalise le pouvoir qui réside en eux grâce à la confiance de nombreux adultes qui partagent, souvent fébrilement, leurs expériences et dévoilent les conséquences douloureuses des mots qu'ils ont entendus, enfants, comme les mots qui ont marqué leur vie positivement et durablement.

Un jour, cette question m’a été posée :

"Est-ce que tu n’as pas l’impression de jouer sur les mots ? Ce n'est pas si grave de dire telle ou telle chose… Nous, enfants, on en a entendu des vertes et des pas mûres et nous n’en sommes pas morts".

J’ai pensé : « En es-tu vraiment sûre ? Es-tu certain que d’infimes parties de toi ne sont pas mortes à chaque mot tranchant comme une épée ? Est-ce que d’infimes parties de ton amour et de ton estime pour toi ne sont pas mortes ? Est-ce qu’une partie de tes espoirs, de tes rêves et de tes projets n’a pas succombé ? Est-ce que la relation, la confiance et la sécurité n’ont pas été blessées, parfois à mort ? Il y a 1000 façons de mourir tout en gardant un cœur qui bat.

Alors, oui, je vous invite, vous aussi, à jouer sur les mots parce qu'aucun d'eux n’est sans conséquence.

Certains résonnent encore dans nos têtes des dizaines et des dizaines d'années plus tard.

Il y a quelques années, mon père, assis devant sa batterie, a fait retentir une cymbale et m'a demandé quand est-ce que le son s'arrêtait.

Au bout d'une dizaine de secondes, j’ai répondu : « Maintenant ! ».

Il m'a invitée à me concentrer sur mon ouïe et a recommencé. J'ai réalisé que je pouvais l'entendre beaucoup, beaucoup, beaucoup plus longtemps que ce que mon oreille avait perçu au départ.

Tout comme le résonnement d'une baguette de bois sur une cymbale, les mots que nous entendons et ceux que nous prononçons peuvent résonner longtemps dans notre inconscient et dans celui de notre entourage et même avoir un impact significatif dans notre processus de pensée. Le résonnement des mots impacte durablement notre raisonnement.

Si les mots construisent et détruisent, ils ont également un immense pouvoir réparateur et ce même au bout d'une quantité d'années.

Je vous embarque avec moi pour un petit voyage dans le temps…

J’ai presque 10 ans, je suis assise sur le sol de ma chambre et je fais un puzzle. Quelques semaines plus tôt, j’avais décidé d’arrêter la danse classique que je pratiquais depuis mes 3 ans. La façon d’enseigner de ma professeure heurte ma sensibilité, mais je n’arrive pas à trouver les mots pour expliquer à mes parents à quel point je le vis mal. Au lieu de demander un changement de professeur, je dis que je n’ai plus envie d’en faire. Avant de terminer mon puzzle, je dis à ma maman : « J’en ai assez, je vais le ranger ».

Sa réponse, qui sur le moment ne semble pas m’atteindre, m’est plutôt passée par une oreille et sortie par l’autre. :

« Pfff, de toutes manières, c’est toujours comme ça, tu ne vas jamais au bout des choses. Comme pour la danse...»

Pourtant, cette phrase, prononcée une seule et unique fois, va conditionner de nombreuses années de ma vie. Pendant 7 ans, elle va être la racine profonde de tous mes abandons d’activités, de projets, d’invitations… Pendant 7 ans, à chaque fois que je vais rencontrer un obstacle, une lassitude, un découragement ou un manque de motivation, je vais baisser les bras en me disant : « De toutes façons, maman a raison, je suis comme ça, je ne sais pas aller au bout des choses, qui mieux qu’elle peut savoir, c’est ma mère et, en plus, elle m’aime alors elle ne dirait pas ça si c’était faux ».

Il se passe quelque chose d’important dans ma vie et à partir de 17 ans, je vais mettre en place le processus inverse car je ne supporte plus de ne pas aller au bout des choses. Mais comme je suis en réaction, je vais tomber dans l’excès inverse. Je vais aller au bout des choses, même lorsqu’il vaudrait mieux que j’abandonne. Au bout de 7 années de plus à faire ce travail inverse, je me rends compte que je me sens comme piégée dans une situation professionnelle inconfortable, or la nouvelle ligne de conduite que je m’impose me force à persévérer et à ne pas rompre un partenariat que je viens tout juste d’accepter.

Finalement, je décide d’appeler ma maman et de lui expliquer le problème que je rencontre, cette phrase prononcée il y a 14 ans (dont elle ne se souvient d’ailleurs pas) et ses conséquences encore présentes dans ma vie.

Ce jour- là, elle m’a dit : « Anaëlle, brise ces chaînes qui t’enferment parce que ce n’est pas du tout ce que je pense de toi, je ne me souviens plus de ça, mais quoi qu’il en soit ne laisse pas cette phrase devenir une prison de mensonges. La vérité, c’est que tu es capable de persévérer, comme d’abandonner quand c’est nécessaire. »

Avec ces mots, elle a brisé en quelques secondes la chaîne qui tenait mes mains liées à de fausses croyances depuis 14 ans. J'ai réussi ensuite à prendre cette décision professionnelle avec plus de sérénité. Cette expérience a marqué ma vie de femme, ma vie de maman car je connais la puissance des mots et leur pouvoir enfermant comme leur extraordinaire pouvoir libérateur.

Et, cette réalité reste accrochée à moi jour après jour, elle me rassure car je sais qu’il n’existe aucune éducation, aucune communication bienveillante, positive, non-violente 7j/7, 24h/24 et qu’à chacune de mes nombreuses erreurs, j’ai un outil d’une redoutable efficacité : la réparation

Je crois beaucoup plus à la possibilité d’une éducation et une communication consciente et humble.

L’éducation bienveillante, c’est ce à quoi j’aspire et l’éducation consciente, c’est ce que je vis.

Je pense que si je n’avais pas accepté ça, je serais certainement en dépression depuis bien longtemps tant ce que je vis n’est pas à la hauteur de ce à quoi j’aspire.

La maman que je rêve d’être est tellement patiente, sa maîtrise de soi est épatante, sa communication impeccable, rien ne dépasse ou ne déborde, elle ne cherche jamais ses mots, elle a l’art et la manière de poser un cadre avec le bon dosage de fermeté et de bienveillance et surtout, surtout, elle s’est débarrassée de toutes ses casseroles, plus aucune de ses blessures n’est sensible ou douloureuse…

Cette image, je ne la rejette pas, elle me donne la direction que je souhaite emprunter.

La maman que je suis, elle est PARFAITEment IMPARFAITE et j’ai décidé de ne pas la rejeter elle non plus, mais de l’accepter et d’être de bonne compagnie avec elle car elle fait tellement de choses formidables, comme prendre conscience de ses erreurs et présenter des excuses. Et juste pour ça, j’ai décidé de l’aimer.

Alors, à vous autres, parents parfaitement imparfaits, je voudrais vous inviter à chérir l’image du parent parfait que vous n’êtes pas et que vous ne serez probablement jamais et à accueillir et aimer ce parent bien réel que vous êtes et qui cheminent vers plus de conscience et d’humilité dans ses relations familiales.


Anaëlle Sanzey

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